Le cri de la souffrance est le cri de la bête. Ou son gémissement. Pleurer n'est que l'expression d'un cri subi, d'un cri muration. La douleur est du côté du sôma, la souffrance du côté de la psyché. L'une est plus près du corps, l'autre de l'intellect (le corps criant, révolté). Entre cri brut, et cri intellect. Antonin Artaud l'a clairement exprimé dans « Position de la chair ». « Ces forces informulées qui m'assiègent [...] qui du dehors ont la forme d'un cri. Il y a des cris intellectuels, des cris qui proviennent de la finesse des moelles. »

De l'indicible

       Le cri touche à l'indicible. Crier cherche à dénuder la souffrance, enfouie. Et la souffrance, est une expérience tellement éprouvante, à son paroxysme, que bien souvent la personne qui en est atteinte, détruit la capacité de communiquer. Tout, toujours si difficile. La souffrance, ne peut jamais se dire, totalement. Sa sortie, est toujours combat. Du silence, au cri, avec tous les paliers, entre les deux. D'indicibles. « J'écris. J'ai cris rentrés », dit Bernard Noël [62]. Si un Être est trop en souffrance, il ne peut plus crier. C'est l'impossibilité, l'incapacité à. Claustré, prostré : le mutisme, total. La muration, du cri. La souffrance, qui peut conduire à la folie, avec le silence et la muration du cri, est de l'avant cri. La folie est la réponse à la douleur, de souffrir. Qui parfois débouche sur le cri, libératoire. Du cri ne pouvant sortir, du non-cri, au silence, et du silence, de l'avant cri, au cri. Car il faut transformer la douleur en conscience, et en distance, pour pouvoir la dire. Et que l'autre, les autres, la supportent. Et que le cercle de l'enfermement se brise enfin.

62. « L'Outrage aux mots », le Château de Cène p.151.

extrait d'Écrire le cri, p.29-30.